DRAGUE AU CITY PARK

Adresse: 50 rue Bagot

Les zones de promenade furent un élément important de la vie homosexuelle de Kingston, fonctionnant comme une passerelle vers la sous-culture gay masculine de Kingston. Depuis le début des années 40, le City Park, aussi surnommé le “Parc des pervers”, était l’endroit le plus réputé pour draguer. Beaucoup d’hommes entendirent parler des pratiques répandues dans le parc à travers des commentaires homophobes faits par des hétérosexuels. Bien que le mot «pervers» dans le surnom du parc faisait référence, auprès des femmes, à l’apparition d’agressions sexuelles perpétrées par des hommes hétéros; les homosexuels y voyaient eux une référence à eux-mêmes.

Jusqu’au milieu des années 1970, le parc orné de grands arbustes et d’arbres, offrait un espace propice à tous ceux qui cherchaient des rapports sexuels immédiats du crépuscule jusqu’à tôt le matin. Trevor rappelle : « ayant grandi à Kingston, j’en avais entendu parler, j’y suis donc allé une nuit et j’ai réalisé le nombre d’hommes qui conduisaient ou marchaient aux alentours. Il m’a fallut un long moment avant d’avoir le courage de parler à quiconque… si vous y étiez après minuit, il y avait de grandes chances que vous soyez gay. Vous alliez là-bas dire «bonjour» à quelqu’un, comme rencontrer un étranger quelque part, ou pour présenter quelqu’un avec qui vous étiez. Vous pouviez par la suite être invité à des fêtes, commencer une nouvelle vie scène sociale. ”

Comme le commentaire de Trevor le suggère, le parc était utilisé de diverses manières par les différents segments de la population gay, allant de rencontres sexuelles anonymes à des recherches d’amitiés et de communauté. Howard, qui avait également passé du temps à flirter dans les parcs de Toronto, a remarqué que le City Park de Kingston était beaucoup plus social. Kingston, manquant cruellement de bars et d’organisations politiques gays, « le Parc des pervers » était l’un des rares espaces publics, facilement identifiable, où les hommes homosexuels pourraient se rassembler.

Comme l’explique Trevor, « (…) juste là, sur la route, il y avait toujours un groupe de dix à quinze personnes, des hommes gais d’une quarantaine d’années, tard dans la nuit, faisant la fête ou juste assis autour pour parler. C’était la fin des années 70, il n’y avait aucun endroit où aller, pas de bars, donc le week-end les gens se rencontraient dans le parc, ils n’avaient qu’à garer leurs voitures là-bas. Si certains voulaient cruiser, ils allaient se promener plus loin dans le parc. Ils erraient au fond du parc et venaient parler à tout le monde ». Beaucoup d’homosexuels, cependant, choisirent d’éviter le parc. Certains associaient le parc au sexe anonyme occasionnel, qui ne les intéressait pas, d’autres avaient peur d’être reconnu par quelqu’un qu’ils connaissaient.

À cause de la notoriété du parc, les hommes qui le fréquentaient devinrent des cibles évidentes de violence homophobe. John, qui n’avait jamais flirté dans le parc, décrivit être victime d’agression anti-gay alors qu’il traversait le parc en rentrant de son cours de musique: « Une bande de voyous criait des buissons pendant que je marchais sur le trottoir ‘attrapez le pédé avec le violon!’ » et j’ai répondu en hurlant « C’est un alto, connards! » et je me suis mis à courir. J’étais effrayé.”

Le fait que beaucoup d’hommes faisaient de gros efforts pour camoufler leur préférence sexuelle les rendait vulnérables. En effet, ils étaient moins susceptibles de signaler des attaques, s’ajoutant à cela le harcèlement de la police, une autre dure réalité de la vie des homosexuels dans les années 1970. De la fin des années 1960 au début des années 1980, bien que, dans les grandes villes comme Toronto, les descentes policières ciblaient surtout des hommes gays, la police de Kingston ne réagissait pas vraiment au flirt dans le parc.

Dans les années 1970, la combinaison de la Gay Pride toujours plus importante et de la maladie hollandaise de l’orme modifia de façon permanente la fréquentation des homosexuels au City Park. Entre 1974 et 1975, tous les ormes du parc moururent et la ville autorisa la coupe de plus d’une centaine d’arbres morts, réduisant dans le même temps la plupart des buissons. Ceci transforma le parc d’une forêt virtuelle à l’espace ouvert qui existe encore aujourd’hui, réduisant ainsi considérablement les cachettes disponibles. Dans le même temps, l’augmentation du nombre d’hommes assumant leur homosexualité fit du parc un espace «gay», réduisant sa popularité auprès des ceux restés « dans le placard ». Bien que draguer reste une pratique à la fois pour les hommes homosexuels et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (sans s’identifier comme gays), le City Park n’en est plus la plaque tournante.

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