Le Salon Oregon

Adresse : 200 rue Ontario
Période : 1800-1850

De 1848 à 1859, les Elder tenaient un bar, dans ce bâtiment, spécialisé dans le service de fruits frais et de fruits de mer. Après la mort de James en 1853, Marie repris l’affaire.

James et Maria Elder furent le premier couple noir connu à gérer une entreprise florissante à Kingston. Nous ne connaissons pas les circonstances de leur arrivée, mais nous savons qu’ils vivaient déjà à Kingston en 1832 puisque leur fils George Alexander mourut à l’âge de deux ans et sept mois, le 23 février de cette année-là.

Les Elder réalisèrent l’importance de l’instruction. Lorsque le mouvement pour établir le Collège de Queen’s (aujourd’hui l’Université) à Kingston débuta en 1840, tous deux apparurent sur la première liste d’inscription. La plupart des Noirs en provenance des États-Unis étaient analphabètes. Des restrictions eurent été imposées sur leur éducation dans les États du Nord et du sud. En fait, les éduquer était illégal dans tous les États esclavagistes excepté le Kentucky. Recevoir une éducation était considérée comme le meilleur moyen de combattre le racisme et obtenir de meilleurs emplois. En 1842, James participa à une conférence de M. Mink, où l’auditoire demanda qu’un manuel scolaire soit établi au Canada pour la «population de couleur». Il fut nommé à un comité formé pour établir une «Société pour l’amélioration de la population de couleur” à Kingston.

En 1838, la première année du recensement municipal des impôts, les Elder furent listé comme propriétaire d’un magasin dans le premier canton. En juin 1844, James annonça qu’il avait équipé le salon populaire sur le quai Royal Mail Line, où il espérait fournir “tout le luxe que la clientèle puisse se permettre”.

En Décembre, il plaça une annonce dans le British Whig pour remercier ses amis et clients pour le soutien passé et annonça qu’il allait déménager son Salon dans l’un des nouveaux bâtiments de M. Hardy, situés à l’opposé du quai de Greer. Dans la Maison Victoria, il gardait constamment, à portée de main, un approvisionnement frais d’huîtres, de fruits et de confiseries ainsi que les meilleurs liqueurs et vins. Le 17 Octobre 1845, un incendie éclata dans une rangée d’immeubles en bois, appartenant à Greer, près du magasin et du quai. Bien que l’ensemble de la rangée fût détruite, aucun nom de victime ne fût donné. Un mois plus tard, cependant, nous apprenions que James fut l’une des victimes grâce à l’annonce de journal qu’il fit paraître en remerciement de l’aide apportée à sauver sa propriété durant l’incendie. Il rajouta qu’il avait ouvert un Salon au coin des rues King et Princess, où les huîtres fraîches seraient toujours disponibles.

En Janvier 1847, il ouvrit le Salon Oregon dans les bâtiments de brique sur la rue Ontario en face de la tour Martello, à côté de l’établissement de vente aux enchères de M. Jackson (à l’angle des rues Clarence et Ontario). Le Whig commenta que ce «Salon était décoré avec goût et son emplacement stratégique apporterait une réussite bien mérité à son dévoué propriétaire.»

Le destin frappa de nouveau un an plus tard, quand un incendie se déclencha dans les locaux de Jackson et se propagea au Salon des Elder. James, réveillé par son barman, eu juste assez de temps pour sauver sa femme et ses enfants, mais perdit «toute sa fortune, les économies d’une vie, qui représentait 200$ durement gagnés.» Trois semaines plus tard, il rouvrit le Salon Oregon sur la rue King, à côté de la boutique du tailleur de M. Mathieson et en face de Quincaillerie de Mme Willard.

Le Whig fut compatissant avec James, reconnaissant qu’il avait été réduit à la pauvreté par trois fois à cause de déplorables incendies. James remercia sincèrement, via une annonce dans le journal : l’armée, les pompiers et le public, pour leurs efforts vigoureux à sauver une partie de sa propriété. Il reconnut également l’aide financière apportée par des individus désintéressés qui lui permirent d’ouvrir à nouveau les portes de son salon.

L’édition du British Whig du 9 Janvier 1849 précisa que l’on pourrait «de nouveau trouvé à son ancien emplacement, le Salon Oregon, dans l’un des plus beaux bâtiments de la rue Ontario, récemment rénové par M. Alexander.» (Cet endroit sera connu plus tard comme l’hôtel du prince George.)

Être un gérant de petite entreprise imposait des rapports occasionnels avec la bureaucratie locale. En avril 1851, trouvant que le stationnement de diligence en face de son salon affectait son commerce, il présenta une requête au conseil municipal afin qu’ils puissent le remettre à son emplacement initial, près de la cours de justice, à ce moment-là située au Sud-Ouest du coin des rues King et Clarence.

Une nouvelle annonce postée en Juin déclara que le Salon Oregon pourrait fournir à ses clients «toutes sortes de fruits tropicaux, des poissons et des homards; et durant la saison, des Huîtres fraîches, en provenance du littoral.» Il faisait également emballer les commandes dans de la glace et les transmettait, par bateaux à vapeur ou diligence aux gentilshommes du pays. En Septembre, le percepteur du marché se plaint devant la Cour de police qu’Elder ait vendu un panier de pêches sur le quai et ait refusé de payer la taxe, mais l’affaire fut rejetée par manque de preuves. Le percepteur porta de nouveau plainte accusant Elder d’avoir vendu du poisson frais de sa véranda mais le juge décida que le terme «plein air» utilisé dans le règlement du marché n’était applicable dans ce cas.

Le Révérend Rice célébra le mariage de la fille aînée des Elder, Mary Maria, avec John Jackson le 30 janvier 1852. Mais le destin de James avait décidé qu’il ne verrait jamais ses petits-enfants grandir. Il mourut en novembre 1853 à l’âge de 61 ans. L’entreprise sous la direction de sa veuve Marie, continua à fournir aux clients des fruits de saison frais, «chaque nouveau procédé pour se procurer des produits de meilleure fraîcheur était adopté d’emblée, ce qui rajoutait à leur qualité.» Tant en 1855 qu’en 1857, les recensements de Kingston listèrent Marie comme «fruitière». Le British Whig, dans un de ses fameux «Promenades Printanières» (Spring Walks) n’eut que des éloges pour elle: « Mais tandis que nous faisons mention des salons et restaurants les plus aspirants, n’oublions pas notre chère vieille amie, la veuve Elder, qui, avec son beau-fils, M. Jackson, garde toujours ouvert La Case de l’oncle Tom *, florissant comme un jeune arbuste. La qualité des succulents fruits exotiques et poissons de mer vendus par la veuve Elder réjouissait les messieurs dames de Kingston. Tous les produits méridionaux étaient disponibles en saison, sinon il était possible de se les procurer dans des délais imbattables. Du saumon frais, des homards, des huîtres, de l’alose et d’autres produits de la mer pouvaient être commandés; tandis que l’on pouvait trouver les fruits tropicaux en abondance. Nous n’avons pas besoin de recommander Mme Elder ou La Case de l’oncle Tom à nos lecteurs, leurs réputations les ont déjà rattrapés.

Marie Elder mourut en juin 1859 à l’âge de 49 ans après avoir vécu et travaillé proche de 30 ans à Kingston.
James et Marie Elder furent de parfaits exemples de vaillants travailleurs. Malgré les problèmes réels ou apparents, les épreuves de feu, les problèmes financiers et les tragédies familiales, ils réussirent à prospérer.

* L’entreprise Elder et Jackson fut nommée d’après La Case de l’oncle Tom de Harriet Beecher Stowe, qui inspira bon nombre d’abolitionnistes. Il fut publié en feuilleton en 1851 puis finalement vendu à des millions d’exemplaires, il fut traduit en 37 langues.

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