LA CONFÉRENCE D’OSCAR WILDE A KINGSTON

Adresse: 218 rue Princess
Période: 1850-1900

Beaucoup d’histoires Queer conventionnelles portent sur la recherche de figures historiques Queer. Oscar Wilde, l’écrivain, poète, dramaturge et philosophe venu à Kingston au début des années 1880 lors de sa tournée de conférences en Amérique du Nord, fut l’une de ces figures centrales. Aujourd’hui véritable icône gay, l’histoire de Wilde montre l’inaptitude de l’époque, à décrire, de manière contemporaine, l’identité sexuelle des personnages historiques.

Comme mentionné dans l’introduction de cet itinéraire, les catégories de personnes gays, lesbiennes, bisexuelles, transgenres, transsexuelles et Queer sont des constructions relativement récentes. Bien que Wilde ait eu des relations sexuelles avec des hommes, il n’était décrit par aucun de ces termes. Au lieu de cela, l’histoire de Wilde démontre le peu de termes existants décrivant la différence sexuelle.
La connexion entre Oscar Wilde et Kingston fut brève, mais néanmoins éclairante. Kingston fut l’un des arrêts de sa tournée de conférences en Amérique du Nord effectuée au début de sa carrière en 1882. Comme Kevin O’Brien dans son livre « Oscar Wilde au Canada : Un apôtre des Arts », les conférences que Wilde a donné lors de sa tournée étaient destinées à propager la philosophie de l’esthétisme. Wilde est arrivé à Kingston le 22 mai 1882 pour parler d’”Art Déco” devant un public restreint à l’Opéra, maintenant connu comme le Grand Théâtre, rue Princess.

Un article dans le quotidien British Whig de Kingston explique que l’Esthétisme pourrait être défini comme «une lutte pour ‘le meilleur’, notant que ‘le meilleur’ et ‘le beau’ sont la même chose». La conférence de Wilde, retranscrite en annexe du livre de O’Brien, aborde la valorisation de la beauté en faisant valoir que les objets ménagers devraient être aussi beaux qu’utiles et que les gens devraient accorder plus d’attention à l’agencement de leur environnement afin de le rendre plus agréable mais surtout plus esthétique. Wilde suivit son propre conseil en portant des cheveux longs démodés, des culottes de velours et une longue cape à une époque où les hommes arboraient plus souvent des pantalons et des manteaux.

O’Brien précise que peu de monde assistèrent à la conférence de Wilde, la pluie cette nuit-là tint à l’écart les « simples curieux ». De plus, les examens étant fini à Queen’s, les étudiants étaient partis. Enfin la conférence dû rivaliser avec un congrès du Parti libéral pour la nomination d’un candidat local à l’élection fédérale. Néanmoins, le British Whig reçu correctement M. Wilde qui apprécia sa visite des bâtiments de ville, tel que le Fort Henry, et sa rencontre avec le doyen de l’Ontario. En effet, Wilde, ayant raté son train en fin d’après-midi à Belleville, décida de rester à Kingston pour la nuit.

Alors que Kingstoniens apprécièrent le personnage et sa prestance, l’apparence et la philosophie de Wilde firent l’objet de moqueries dans bien d’autres endroits. Ses cheveux longs et une tenue inhabituelle lui attiraient les foudres de la presse, et ses commentaires sur les pratiques d’exploitation forestière industrielle (Wilde fit valoir des raisons esthétiques contre la pollution causée par la sciure et les bûches dans les rivières du Saint-Laurent et de l’Outaouais) provoquèrent du mépris pour lui et le mouvement esthétique.

Les critiques de Wilde l’attaquèrent personnellement en s’en prenant à sa masculinité. Une pièce comique dans un journal de Toronto se moqua de Wilde en le caricaturant en jeune femme, précisant qu’aucun homme «normal» ne se comporterait comme lui. L’article sous-entend que l’esthétisme et la beauté sont les préoccupations de jeunes filles naïves, tandis que les «vrais» hommes s’occupent des pratiques sales de l’entreprise et de l’industrie.

A cette époque, être accusé d’être efféminé ne signifiait pas nécessairement une différence sexuelle, cependant, Wilde dû attendre son procès en diffamation contre le marquis de Queensbury en Angleterre, en 1895 pour que les détails de sa vie sexuelle deviennent publics. Bien que Wilde ait eu de nombreuses relations homosexuelles, il était également marié à une femme avec qui il eut deux enfants.

Il ne se serait pas définit comme gay, homosexuel, queer ou bisexuel; il a utilisé à la place le terme «socratique», terme qui évoque clairement les traditions de relations entre hommes dans la Grèce classique. Le procès en diffamation et les nombreux témoins que la défense recueillit afin de prouver la légitimité des accusations de Queensbury envers Wilde en tant que « sodomite » [sic] conduisirent à l’arrestation de Wilde pour « outrage aux bonnes mœurs » en vertu de l’article 11 de la loi portant amendement du Code pénal de 1885. Wilde fut reconnu coupable et condamné à deux ans de travaux forcés, la peine maximale pour cette charge.

Après sa sortie de prison, Wilde était en discrédit. Ses œuvres n’étaient plus produites et « Oscar » étaient devenu un nom péjoratif pour les homosexuels masculins. Wilde vécut sur le continent jusqu’à sa mort prématurée en 1900.

On peut noter que son travail a récemment connu un regain d’intérêt, ainsi que la communauté Queer l’a très vite revendiqué icône homosexuelle, mais ce que son accueil à Kingston devrait nous rappeler est que la combinaison entre l’effémination et l’homosexualité est un stéréotype relativement récent.
Bien que Wilde ait été raillé au moment de sa tournée nord-américaine comme l’efféminé, ces accusations n’impliquent nécessairement pas des soupçons d’homosexualité. En outre, le comportement homosexuel de Wilde ne contredit pas la sincérité de ses sentiments pour sa femme.

Bien qu’Oscar Wilde est maintenant reconnu comme représentant de l’histoire Queer, les lecteurs d’aujourd’hui doivent prendre être vigilants de ne pas projeter des termes et des valeurs contemporains sur sa vie et celles des autres personnages historiques «gay». Pour cette raison, les prochaines escales de cette visite se concentreront sur l’histoire Queer plus récente de Kingston comme rapportée par des gens qui se reconnaissent dans les définitions contemporaines de l’identité Queer.

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