Molly Brant

Emplacement : Église St. Paul (Montreal et Queen)
Époque : 1750-1800

Molly Brant, également connue sous le nom de Degonwadonti (signifiant «Nombreux sont mes opposants» en Mohawk), est la sœur de Joseph Brant. Elle joue un rôle décisif auprès des Mohawks durant la guerre d’Indépendance américaine dans le but d’assurer la prospérité et la pérennité du patrimoine de Cataraqui.

Molly et son frère grandissent avec leur mère et leur beau-père, Nickus Brant. Dans la tradition iroquoise, les noms étant matrilinéaires, l’identité du père biologique est donc discutable. Ces sont les matrones (clan de femme) qui détiennent le pouvoir de décision dans les tribus Iroquoises. Elles sont responsables de la production et de la gestion des récoltes, ainsi que de la viande chassée par les hommes. Les matrones ont également la lourde tâche d’élire les chefs et de s’exprimer sur les problèmes économiques et politiques pouvant survenir. Molly Brant, destinée à devenir une matrone, est élevée selon les traditions iroquoises. Souvent accompagnée de ses aînés durant ses voyages politiques, Molly Brant devient une experte des questions autochtones mais également européennes. Cela n’en fait pas seulement la représentante idéale de sa collectivité coloniale mais celle de l’ensemble de la communauté autochtone.

Vers 1759, Molly épouse le superintendant aux affaires indiennes (un proche de son beau-père) Sir William Johnson. Puisque l’église d’Angleterre refuse de reconnaître leur mariage (suivant les rites traditionnels autochtones), elle vivra avec lui au Johnson Hall à New York de 1763 à 1774, qualifiée de femme de ménage. Ce sont les yeux noirs pétillants de Molly et ses longs cheveux tressés, couleur d’ébène, qui charma Johnson. En même temps, ce dernier s’est empreint d’une autre femme, Catherine Weissenberg, une allemande, mère de ses trois enfants, travaillant pour lui. Elle meurt en 1759. Cette même année Molly donne naissance au premier des huit enfants (qui survécurent leur petite enfance), qu’elle aura avec Johnson. À cette époque, avoir des enfants de plusieurs femmes était acceptable, dans la mesure où vous pouviez subvenir à leurs besoins.

Bien que Molly soit considérée comme la femme de ménage, elle ne s’occupe que de très peu des tâches ménagères et préfére assumer la responsabilité d’organiser les différentes activités sociales prenant place au Johnson Hall. Elle accueille les colons et les autochtones avec la même hospitalité. Le juge Thomas Jones décrit l’atmosphère de la maison comme agréable et conviviale :
«Après le petit déjeuner, tandis que Sir William était à ses affaires, ses invités pouvaient se divertir à leur guise. Certains sortaient, certains partaient chasser, d’autres pêchaient, certains allaient flâner en ville, pendant que d’autres jouaient aux cartes, au backgammon, au billard et même au jeu de quilles. Nous occupions ainsi nos journée jusqu’à 16h, heure à laquelle on servait le dîner. Sir William, en plus de sa famille, avait rarement moins de dix invités. Cela pouvait aller jusqu’à trente. Tous étaient les bienvenus. Tout le monde s’asseyait ensemble dans la joie et la bonne humeur. Chaque invité pouvait choisir ce qu’il voulait et boire à volonté. La tablée, ou du moins une partie, terminait rarement les festivités avant trois heures du matin. Tous, incluant Sir William lui-même, pouvait partir à leur guise. Il n’y avait aucune retenue.»

L’accueil chaleureux et sincère de Molly envers les visiteurs de Johnson Hall lui confère une position prédominante auprès du peuple Mohawk. Son style de vie est bien loin de celui des autochtones perçus comme primitifs et inférieurs. En réalité, Molly agit plus en matrone dans la maison en participant activement aux affaires politiques et sociales, ainsi qu’aux tâches quotidiennes du ministère Indien de l’époque lorsque Johnson est absent.

Au décès de Sir William Johnson en 1774, Molly fuit alors New York vers le Canada, accompagnée de ses enfants et de quelques loyalistes. Elle réside d’abord sur l’Île Carleton, puis à Cataraqui, dans une maison bâtit pour elle (reconnaissance pour ses qualités de meneuse d’hommes et son indéfectible loyauté envers les britanniques). Malgré son immersion totale dans la culture européenne, Molly tient à porter les habits traditionnels iroquois et à rester connectée à son patrimoine autochtone. Peu après la guerre, une ségrégation stricte s’est développée entre les communautés européennes et iroquoises à Cataraqui : des moqueries sur les habits traditionnels autochtones (chemise lacée, pantalon serré et mocassins) que portaient les Mohawks étaient lancées, particulièrement aux femmes, dans le but de les rabaisser. La fierté culturelle de Molly et son dévouement à préserver la tradition restent intactes, tandis que son frère, Joseph Brant, encourage son peuple à l’acculturation vers la culture européenne, autant au sens propre que figuré. Le désir indéfectible de Molly à résister contre l’assimilation était compréhensible : les femmes Mohawk avaient un pouvoir économique et politique à perdre avec la disparition du rôle de matrone, rôle reconnu et influent auprès des Mohawks.

Les filles de Molly et Johnson, toutes mariées à la haute société (leurs maris étaient respectés comme docteurs et capitaines réputés), suivent l’exemple de Joseph Brant en adoptant les manières et arborant les robes de leurs égales européennes. Un incident, en particulier, accentua leur désir de conversion; lorsqu’un jour vêtues de leurs robes traditionnelles Mohawk, elles furent agressées verbalement, avec des remarques et des insinuations déplacées, par de jeunes officiers européens. Plus tard dans la soirée, elles recroisèrent ces mêmes hommes, lors d’une cérémonie formelle, habillées d’élégante robes de bal. Les officiers présentèrent leurs excuses pour leurs comportements désobligeants et les invitèrent à danser, dans l’espoir de se racheter. Les sœurs refusèrent et quittèrent la réception, avec un sentiment d’humiliation et de colère. Cet épisode isolé démontra bien la déconnexion entre les deux cultures. Même si l’assimilation d’une autre culture n’était pas le premier désir des femmes Mohawk, il fut évident que c’était la seule façon d’être considérées comme des personnes éduquées et pouvoir accéder au plus hauts échelons de l’échelle sociale, où la culture européenne dominait.
Molly Brant, quant à elle, trouve un moyen de s’épanouir entre les deux cultures. Elle reste fidèle à son patrimoine Mohawk, tout en gagnant le respect et la reconnaissance de la communauté européenne. Elle fut un véritable chef et une source inépuisable de soutien, de force et d’encouragement tant pour les Mohawk que les européens. Malgré les épreuves que les autochtones rencontrèrent dans le passé, et celles qu’ils affrontent toujours aujourd’hui, Molly aura joué un rôle prédominant dans l’avancée de son peuple et aura montré la voie à ses successeurs, jusqu’à son décès en 1807.

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