Esclavage à Kingston – L’Histoire de Joseph Gutches

Adresse : 221 rue King Est
Période : 1800-1850

La maison en pierre que vous observez fut construite en 1834 pour John Solomon Cartwright (1804-1845), un avocat, un juge, un banquier, et membre de l’Assemblée législative du Haut-Canada. Son père, Richard Cartwright, avait emmené Joe Gutches à Kingston comme esclave. Joe passa ses dernières années à vivre dans cette maison avec le fils Cartwright.

La présence des premiers esclaves noirs à Kingston dans les années 1780 coïncida avec l’arrivée des Loyalistes, déplacés en raison de la Révolution américaine. Le révérend John Stuart, ministre de l’église (aujourd’hui cathédrale) St. George apporta ses esclaves avec lui. Molly Brant, une Mohawk, fit de même avec ses trois esclaves, Abraham Johnston, Juba et Jane Fonda. D’autres notables loyalistes, les Everett, Herkimer, Fairfield et Cartwright possédaient des esclaves et les emmenèrent avec eux, les considérant comme des «biens personnels».

Nous apprenons plus sur l’un de ces esclaves dans l’article de journal suivant:

Décédé – Ce dimanche après-midi, Joseph Gutches, un homme de couleur, bien connu à Kingston, à l’âge avancé de 79 ans. Né dans l’État de New York, à l’époque une colonie britannique, est arrivée au Canada vers 1782, dans la famille de l’honorable défunt Richard Cartwright, et continua à servir ce monsieur et ses fils pour une période de 60 ans. Il avait coutume de dire qu’en 1782, à l’exception de l’ancien fort français et de quelques maisons en bois, rien était à voir dans ce lieu à part une forêt de pins et de souches annelées – il a vécu assez pour témoigner des changements. Mais peu de choses subsistent maintenant de ces premiers colons – Que la paix soit à eux. (Chronique & Gazette, le 2 Novembre 1842)]

Richard Cartwright est né en Albany, dans l’état de New York, le 2 février 1759 et mourut à Montréal le 27 juillet 1815. Considéré comme un partisan Loyaliste, il fur expulsé de New York en octobre 1777. Il servit les Rangers de John Butler basés à Niagara en tant que secrétaire et partit en expéditions militaires dans le nord de New York entre 1778 et 1779.

Cela l’aida non seulement à acquérir une expérience précieuse dans l’approvisionnement de l’armée, mais lui permit aussi de nouer des contacts d’affaires importants. En 1780, il quitta l’armée et s’associa à John Hamilton comme commerçant; ils devinrent vite très impliqués dans le commerce de farine et de porc. Ils signèrent des contrats avec la garnison de Kingston puis rapidement pour d’autres du Haut-Canada. Richard Cartwright déménagea pour Kingston en 1785, où il devint un leader commercial, juridique, politique et religieux influent. En 1792, il fut conseiller législatif puis juge de la paix, juge et officier milice en 1793. Il s’est souvent disputé d’un point de vue politique avec le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, John Graves Simcoe, ayant une vision différente du Haut-Canada comme colonie britannique. Sur la question de l’esclavage, cependant, ils semblaient être d’accord, malgré le fait que Cartwright fut soupçonné d’avoir possédé, pendant la guerre révolutionnaire, dix esclaves ou plusieurs. En 1793, Simcoe chargea le procureur général John White à présenter à la Chambre de l’Assemblée un projet de loi pour l’abolition progressive de l’esclavage. Des seize membres de l’Assemblée, au moins six étaient propriétaires d’esclaves et dans le Conseil législatif Peter Russell, Richard Cartwright et James Baby l’étaient également. Mais le projet de loi fut adopté à l’unanimité deux semaines plus tard. En 1798, après que Simcoe ait quitté le Haut-Canada et que White ait perdu son siège lors d’une élection, un membre Loyaliste introduit un projet de loi à la Chambre de l’Assemblée autorisant les immigrants à emmener leurs esclaves avec eux. Il fut adopté par un vote de huit contre quatre, mais, grâce aux efforts des membres Richard Cartwright et Robert Hamilton, le projet de loi fut suspendu par la cour supérieure jusqu’à ce que la séance soit terminée.

En 1787 Joe fut l’un des nombreux noirs qui témoignèrent de leurs griefs lors d’une enquête menée par les autorités de Kingston. Joe “comparut devant le Conseil affirmant qu’il fut capturé par les Indiens et vendu comme esclave à vie, mais au moment de sa capture il ne devait l’être que durant 21 ans.”
Dans une lettre datée du 16 Août 1787, à Cataraqui, Richard Cartwright apporta plus de détails à l’histoire de Joe, aux commissaires Collins et Powell:

«Comme vous l’avez eu l’obligeance de me faire savoir, que mon homme noir appelé Joe, a porté plainte auprès de vous d’être illégalement détenue comme esclave, permettez-moi pour me disculper de vous présenter ce que je sais sur son compte: -Son propriétaire d’origine était Jonas Vrooman, de Schohary dans l’État de New York, – il fut tué par des Indiens, au cours de la dernière guerre, , et le noir fut emmené à Niagara, il y fut vendu à un M. Dunn qui à cette époque siégeait au ministère des Affaires indiennes, puis par lui revendu à un M. Allan, et de M. Allan, je l’ai acheté pour cent et vingt-cinq livres new-yorkaises.
J’ai toutes les raisons de croire qu’il fut toujours un esclave, d’après le témoignage de personnes résidant toujours à Niagara et l’ayant connu du temps de Vrooman. De plus, les héritiers ou les exécuteurs testamentaires de Jonas Vrooman ont même tenter de le récupérer en envoyant une demande écrite au Révérend M. Stuart; en disant je présume, qu’ils étaient en droit par traité de le récupérer.»

Une évaluation de la propriété de Cartwright de 1799 fut recensée dans un inventaire datant du 1er Avril 1800. Lorsque tous les actifs de Richard Cartwright furent additionnés, y compris la terre, les meubles, les télescopes, les globes, les bovins et les services de son noir Allan, sa fortune s’élevait à plus de 27 000 £.

Les dossiers d’évaluation montrèrent que Joe vécut les dernières années de sa vie avec la famille de John S. Cartwright.

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