Picardville et les Royalistes

Addresse : Entre les rues York, Division et Raglan
Époque: 1750-1800

En 1798, plusieurs Royalistes Français cherchaient un lieu pour échapper à la persécution des antiroyalistes en France pendant la Révolution Française. Ils trouvèrent asile en Angleterre dès le début de la Révolution, mais cherchaient à présent un endroit où s’établir de manière permanente pour ne pas devoir retourner dans une France qu’ils ne reconnaissaient plus. Ils envoyèrent une pétition au Gouverneur Simcoe pour demander des terrains au Canada. Le Gouverneur acquiesça pensant que les Royalistes Français s’entendraient bien avec les Loyalistes Anglais du Haut Canada ayant vécu des expériences similaires. Un groupe de 38 émigrés, 31 hommes et 7 femmes, traversa l’Atlantique pour aller au Canada en juillet 1798. Le groupe était composé en grande partie d’aristocrates et d’anciens officiers de l’Armée Royale de France. A son arrivée au Québec, ce groupe fut rejoint par 21 Franco-Canadiens voulant aussi aller vers l’ouest.

Le groupe de 59 personnes arriva à Kingston le 29 octobre de la même année, après un long et dur voyage, par bateau et cheval. Ils furent accueillis par Richard Cartwright qui leur offrit un endroit pour dormir : quelques maisons dans la zone entre les Rues Princess, Division, Barrie et Raglan Road. Cette région se nomma Picardville, ou « le Village Français, » à cause du fait que plusieurs Franco-Canadiens qui arrivèrent avec les aristocrates Français décidèrent de rester là pour le reste de leur vie. Les Royalistes, par contre, ne restèrent pas longtemps. Leur leader, Joseph-Geneviève, comte de Puisaye, partit de Kingston pour aller à York (maintenant Toronto) pour récupérer le terrain dans le comté de Markham que le Gouverneur Simcoe lui avait promis. Les autres nobles le suivirent après la fin de l’hiver, mais la plupart d’entre eux ne se plurent pas à Markham et demandèrent des passeports pour retourner en France dès la fin de la Révolution. De Puisaye, lui, retourna en Angleterre avec sa famille après avoir vécu dans la région de Niagara pendant quelques années.

Les Franco-Canadiens, par contre, restèrent à Kingston, ayant trouvé plusieurs autres francophones déjà établi dans la région. Le livre The Parish Register of Kingston nous montre qu’il y avait environ 55 familles francophones habitant à Kingston au tournant du 19e siècle. Parmi eux il y avait les Rocheleaus (le père, François-Xavier, était le maitre-maçon qui construira l’Eglise Saint Joseph en 1808), les Thibodos (qui tenaient une auberge à Kingston), les Malboeufs (qui se marièrent en 1803, et eurent une fille la même année et des fils nés en 1805 et 1808), et les Vallieres (qui se marièrent en 1803, et eurent des filles en 1804 et 1805 et un fils en 1808). La communauté était très unie, comme on le voit par le fait que beaucoup des enfants nés pendant cette époque avaient des parrains et marraines faisant partis de la communauté francophone : par exemple, les Thibodos étaient parrain et marraine du premier fils des Malboeufs et Elizabeth Rocheleau (la fille des Rocheleaus) était marraine du deuxième fils des Malboeufs, tandis que les Vallieres étaient parrain et marraine d’Éléanor Lenoy, un enfant né dans une autre famille francophone. Cette petite communauté francophone de Picardville grandit pendant les premières décennies du 19e siècle grâce aux Voltigeurs (des soldats du Bas Canada) arrivés pour se battre durant la Guerre de 1812 et avec l’arrivée de plusieurs autres francophones du Bas Canada venant s’établir à Kingston.

Malheureusement, on dirait que pendant les années 1830 et 1840 Picardville devint un endroit de mauvaise réputation et qu’un certain nombre de « maisons de femmes de petite vertu » et de tavernes ouvrirent leurs portes dans le village au fil des années. Comme Picardville se trouvait dans la banlieue de Kingston, le village devint de plus en plus pauvre et reçu une réputation d’endroit de saouls, de prostituées et de pécheurs.

Retour à la carte de l’histoire francophone

Picardville
Maison du quartier Picardville, érigés avant 1875. Photo: Sophie Perrad.

SUIVANTE >